Les arbitres et les Nordiques
Mauvaise excuse ou injustice réelle? En séries éliminatoires, les erreurs des arbitres ont coûté plusieurs matches importants aux Nordiques.

Le 29 février 1988, les Nordiques, qui luttent toujours pour une place dans les séries, reçoivent les Canadiens au Colisée. À une seconde de la fin de la troisième période, l'arbitre Don Koharski annule le but égalisateur de Gaétan Duchesne sous prétexte que Paul Gillis a commis de l'obstruction devant le gardien du Tricolore, Brian Hayward. Une pluie de projectiles s'abat aussitôt sur Koharski, qui quitte la patinoire en catastrophe. En nettoyant la glace, les préposés du Colisée ramassent, entre autres, une poubelle pleine et 34,20 $ en petite monnaie! Le directeur-gérant des Nordiques, Maurice Filion, est abasourdi par la décision de Koharski: «Ça fait combien de fois que ça nous arrive? Quatre ou cinq? C’est pas possible, mais on commence à en avoir l’habitude1».

Toutes les équipes sportives sont victimes, un jour ou l'autre, d'une mauvaise décision de l'arbitre. C'est le sport. Mais à Québec, on a longtemps cru — à tort ou à raison — que les officiels du circuit Ziegler avaient un parti pris contre les Nordiques. Plusieurs décisions fort discutables n’ont cessé d’alimenter ce véritable complexe de persécution: la distribution des punitions lors de la bagarre du Vendredi saint en 1984, le but refusé à Michel Goulet face aux Flyers en 1985, un autre but refusé à Alain Côté en 1987, enfin encore un but refusé, cette fois à Joe Sakic en 1995. Chaque fois, la décision de l'arbitre a coûté le match aux Nordiques. Le cas le plus célèbre, la décision la plus frustrante reste, bien sûr, le but que l’arbitre Fraser a refusé à Côté à 2:53 de la fin du cinquième match de la série Canadiens-Nordiques, au printemps de 1987.

Côté s'empare du disque, feinte Craig Ludwig et décoche un tir qui déjoue Brian Hayward, lequel se trouve gêné par Paul Gillis et Mats Naslund qui se bousculent à proximité. Immédiatement, Kerry Fraser annule le but sous prétexte qu'il a déjà signalé une infraction à Paul Gillis pour obstruction à l'endroit du gardien; Naslund reçoit également une punition pour double échec. En regardant la reprise vidéo, il est impossible de porter un jugement tranché, mais le geste de Gillis semble dérisoire. On a déjà accordé des buts dans des conditions d’infraction bien plus évidentes. Debout sur le banc, Michel Bergeron s'accroche à la baie vitrée et proteste énergiquement, mais Fraser ne bronche pas. Quatorze secondes plus tard, Ryan Walter marque et Montréal l'emporte par 3 à 2. Bergeron, hors de lui, applaudit Kerry Fraser!

Après le match, c'est le désordre le plus complet au Forum. Soulignant le courage de Fraser, Serge Savard rappelle que les Canadiens se sont vu refuser un but lors du deuxième match et il s'en prend ironiquement à ses adversaires: «Si ce n'était des arbitres, les Nordiques auraient gagné leurs 80 matches2». Et vlan! À Québec, on dénonce plutôt le manque de courage de Fraser, qui aurait maladroitement tenté de «réparer» une autre bourde, survenue au début de la troisième période: signalant une punition à retardement aux Nordiques, Fraser a oublié de siffler quand ceux-ci ont repris possession de la rondelle; Malarchuk a quitté son filet pour un sixième attaquant, les Canadiens ont marqué dans un filet désert, mais Fraser a annulé le but. L'avocat Guy Bertrand songe de son côté à faire invalider par un tribunal le résultat du cinquième match!

La Ligue nationale se refuse à changer le résultat, mais elle admet que le but de Côté aurait dû être accordé. Elle ne fait plus appel aux services de Fraser pour le reste des séries éliminatoires. Étrange, tout de même! En 1984 et 1987, la LNH a désavoué ses arbitres et offert ses excuses aux Nordiques. Aucun autre club de la ligue n’a subi autant d’injustices en si peu de temps. Heureusement, après 1988, la situation se replace et les relations entre les Nordiques et les arbitres reviennent au beau fixe. Du moins jusqu'au but refusé à Joe Sakic contre les Rangers en 1995!

Notes de référence
1. Le Soleil, 1er mars 1988, p. S1.
2. Le Soleil, 30 avril 1987, p. S4.


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