La guerre des ondes
Le dossier de la télédiffusion des matches des Nordiques, qui oppose les brasseries Molson et O'Keefe, se termine en 1984 par une victoire éclatante de Québec.

Les conditions de la fusion de 1979 sont très dures pour les quatre anciens clubs de l'AMH. C'est à prendre ou à laisser. Une de ces conditions est un moratoire de cinq ans sur le partage des revenus des droits de télévision au Canada. Propriété de la brasserie O'Keefe, les Nordiques se voient exclus de la Soirée du Hockey à Radio-Canada, commanditée par Molson, qui détient les droits exclusifs de la télédiffusion des matches de la LNH disputés au Canada. Pire encore, la diffusion des matches des Nordiques sur Télé-Capitale est limitée à un rayon de 50 milles autour de Québec. Voilà ce qui arrive quand on empiète sur le territoire du Canadien et qu'on boit de la O'Keefe!

Ce n'est pas un grand changement par rapport à l'époque de l'AMH. De 1972 à 1979, Radio-Canada invoquait son entente avec la LNH pour ignorer le nouveau circuit comme s'il avait la peste et le choléra réunis. C'est par miracle que la société d'État a présenté quelques rencontres de la série finale de 1977 entre les Jets et les Nordiques, ainsi que le match du 8 janvier 1977 au Colisée contre l'Union soviétique. Les Nordiques ont bien signé quelques contrats de télédiffusion avec le réseau TVA durant ces sept années, mais pendant deux saisons complètes ils ont été absents du petit écran.

Durant leurs cinq premières saisons dans la LNH, les Nordiques doivent ronger leur frein en vertu de l’entente minable qu’ils ont signée avec le fusil sur la tempe. Mais O'Keefe et le club québécois s’agitent tout de même sur le front de la télédiffusion. Dès 1981-1982, Télé-Capitale dispute à CBVT (Radio-Canada) la télédiffusion des matches Canadiens-Nordiques au Colisée. En 1982-1983, Marcel Aubut réussit un premier coup de maître en présentant à la télévision payante des rencontres de la LNH dont il a acquis les droits. Molson proteste, mais l'entente de 1979 est muette sur la question de la télévision payante. C’est une belle victoire pour Aubut, qui prépare en catimini la réplique ultime de O'Keefe à la provocation de Molson en 1979.

Le 1er février 1984, O'Keefe et les Nordiques annoncent la création d'un tout nouveau réseau national de télédiffusion de matches de hockey pour la saison 1984-1985. Dans le plus grand secret, Marcel Aubut a réussi à obtenir les droits de diffusion des 14 clubs américains de la LNH, heureux de les vendre à une autre société que Molson, laquelle ne leur a toujours réservé que des miettes. Le nouveau réseau se propose de diffuser à chaque semaine dans tout le Canada un match provenant de Québec ou des États-Unis. Comme son monopole est remis en question, Molson conteste le projet de O'Keefe mais la LNH approuve le nouveau réseau. Les matches du samedi soir à Radio-Canada se poursuivent, mais les amateurs de hockey pourront désormais regarder le hockey O'Keefe au réseau CTV tous les vendredis. Mieux encore, l'entente de cinq ans rapportera chaque année quelques millions supplémentaires à O'Keefe et aux Nordiques.

Que de chemin parcouru depuis! Après la fusion entre les brasseries Molson et O'Keefe en 1989, la guerre des ondes n'est plus qu'un souvenir et les Nordiques peuvent enfin faire leur entrée à la Soirée du hockey… Molson à Radio-Canada. Aujourd'hui, avec toutes les chaînes à sa disposition, le sportif de salon peut assister à une quantité industrielle de matches de hockey. Ainsi, tous les matches des Canadiens de Montréal sont présentés à la télévision! Une telle abondance n'a pas que de bons côtés. Ce qui était nouveau et intéressant au début des années 1980, un match des Kings à Los Angeles par exemple, est devenu tout à fait banal…


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