Michel Bergeron
La gomme à mâcher, les déclarations fracassantes dans les journaux et les ennuis avec les arbitres... Le «tigre», c'est tout ça et bien davantage!

Maurice Filion avait-il prémédité son geste? Sa démission du poste d'entraîneur-chef des Nordiques et la nomination de Michel Bergeron, le 20 octobre 1980, suscitent beaucoup d'émoi à Québec. Les Nordiques, dirigés par un «coach de junior»? Malgré un séjour fructueux à la barre des Draveurs de Trois-Rivières qui s’était traduit par deux championnats de ligue et autant de présences à la coupe Memorial, le p'tit Montréalais du quartier Saint-Michel a la réputation d'être un entraîneur plutôt agressif, une sorte de «petit général» derrière le banc. Comment se débrouillera-t-il dans la LNH?

Âgé de seulement 34 ans, Bergeron ne perd pas de temps à prendre sa place. Le temps de le dire, il se débarrasse du vétéran défenseur Gerry Hart, une mauvaise influence dans le vestiaire. Il remplace aussi son adjoint André Boudrias par l'excellent spécialiste Charles Thiffault, un universitaire. Dès le début, il sermonne ses joueurs, chambarde ses trios et donne une chance à des jeunes comme Normand Rochefort. Il doit pourtant attendre sa dixième rencontre avant de récolter sa première victoire, mais il épate déjà tous les observateurs par sa fougue derrière le banc.

Contesté à ses débuts, le «tigre» reçoit l'appui inébranlable de la direction et demeurera finalement à son poste durant sept saisons, un record d’équipe. Son séjour à Québec coïncide avec les plus belles années de l'organisation, les séries éliminatoires de 1981 à 1987 et l'apogée de la rivalité Canadiens-Nordiques. Adoré par le public et surtout par les journalistes, qui trouvent en lui une source intarissable de matière, Bergeron semble assuré de garder sa place longtemps. Mais après sa maladie et l'élimination hâtive du club en 1985-1986, les choses se gâtent quand le club dégringole au classement au cours de la saison 1986-1987. Bergeron vient à un cheveu de perdre son poste en fin de saison, mais il «vole le show» tout au long de la série contre Montréal, qui se termine dans la controverse avec le but refusé à Alain Côté.

Néanmoins, le temps est venu pour «Bergie» de quitter les Nordiques, qui le cèdent aux Rangers le 18 juin 1987. Tout un défi pour Bergeron, qui compte bien répéter ses exploits à Manhattan! L'expérience est toutefois de courte durée puisque Phil Esposito le congédie le 1er avril 1989, quelques jours avant le début des séries éliminatoires. Cette décision suicidaire permet à Bergeron d'effectuer un retour à Québec où on l'attend à bras grands ouverts. Mais les Nordiques ne sont plus ce qu'ils étaient et Bergeron subit un véritable calvaire en voyant son équipe récolter seulement 31 points au classement en 1989-1990. Le nouveau directeur-gérant, Pierre Pagé, montre cavalièrement la porte à Bergeron qui ne l'oubliera pas de sitôt…

Le «tigre» fait une entrée particulièrement réussie à la radio, mais il doit bientôt subir une série d'épreuves douloureuses. Le 30 novembre 1990, il est terrassé par un infarctus, lui qui durant ses belles années avec les Nordiques travaillait 18 heures par jour et buvait du café sans arrêt. Il se rétablit bien mais l'incident pousse la direction des Canadiens de Montréal à l'écarter de la course à la succession de Pat Burns en 1992. Enfin, Bergeron reçoit un autre coup dur en 1994 quand son vieil ami Pierre Lacroix, le nouveau directeur-gérant des Nordiques, lui préfère Marc Crawford pour diriger l'équipe. Bergeron poursuivra sa carrière à la radio et à la télévision, toujours passionné et prêt à sortir ses griffes au milieu des débats qui alimentent la chronique quotidienne du hockey professionnel. Ironie du sort, on l’embauchera comme analyste à la télévision d'État pour les matches des Canadiens, cette équipe qu'il détestait pourtant avec rage quelques années plus tôt!


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