La bagarre du Vendredi saint
À tort ou à raison, la violente mêlée générale du vendredi 20 avril 1984 est devenue le symbole de la rivalité Canadiens-Nordiques.

On la voyait venir cette bagarre-là. Les déclarations incendiaires de Bergeron et Lemaire, le jeu très brutal dans les premiers matches de la série, les tensions entre les journalistes de Québec et ceux de Montréal (on en vient presque aux coups sur la galerie de presse)… Au son de la sirène indiquant la fin de la seconde période du sixième match, un attroupement se forme à la gauche du filet des Nordiques et Dale Hunter commence à se chamailler avec Guy Carbonneau. Les bancs se vident, les officiels tentent de contrôler la situation, les joueurs se retiennent, mais il suffit d’un peu d’huile sur le feu pour embraser tout le Forum.

La conflagration, c'est Chris Nilan qui la provoque en contournant la mêlée et en attaquant Randy Moller par-derrière avec un crochet de gauche. C’est le signal qui déclenche une suite interminable de combats. Peter Stastny et Mario Tremblay se contiennent par le chandail, mais le «bleuet bionique» surprend le Slovaque d’un coup de poing au visage; le nez fracturé, Peter réplique furieusement, ce qui lui vaut une expulsion du match. Pendant ce temps, les deux gardiens substituts, Richard Sévigny et Clint Malarchuk, se livrent un violent combat. Stastny est conduit hors de la glace par un juge de ligne, mais Tremblay reste sur la patinoire et va dire à Jean Hamel de cesser son duel contre Louis Sleigher. Hamel est déconcentré, Sleigher en profite et assomme le défenseur des Canadiens qui l'avait frappé vicieusement lors du cinquième match!

Finalement, les joueurs rentrent au vestiaire et l'arbitre Bruce Hood tente de départager les fautifs. Les discussions entre les officiels durent une éternité et dans la confusion générale, personne ne pense à avertir les joueurs de rester au vestiaire tant que l’arbitre n’aura pas arrêté toutes les sanctions. Des joueurs déjà expulsés du match comme Nilan, Tremblay et Peter Stastny reviennent sur la glace, les esprits s'échauffent de nouveau et la bagarre reprend de plus belle. Sleigher est la cible des joueurs du Canadien qui veulent venger Jean Hamel, tandis que Sévigny s'en prend à deux reprises à Dale Hunter. Et Mark Hunter qui en profite pour sauter sur le dos de son frère!

Après cette heure complètement folle, le calme revient enfin. L’arbitre décerne 198 minutes de punition aux deux équipes et expulse dix joueurs: Malarchuk, Peter Stastny, Moller, Dale Hunter et Weir pour Québec; Sévigny, Nilan, Tremblay, McPhee et Mark Hunter pour Montréal. Ces sanctions favorisent nettement le Tricolore: les Canadiens ont peut-être perdu Hamel, mais les Nordiques devront disputer le reste du match sans leurs deux meilleurs joueurs de centre, Peter Stastny et Dale Hunter. Québec prend néanmoins les devants par 2 à 0 en début de troisième sur un but de Goulet en avantage numérique, mais Montréal revient de l'arrière et remporte le match par 5 à 3, éliminant les Nordiques. Le Canadien s’est vengé de son échec du printemps de 1982, mais en mettant à profit une bien drôle de stratégie!

Après le match, Bergeron accuse Lemaire d'avoir voulu sortir du match ses meilleurs joueurs: «Il passe pour un ange et moi pour un coach agressif. Il est responsable de tout ce dégât. Je n'ai jamais vu d'incidents aussi disgracieux. Stastny et Moller sont blessés. Mais j'excuse les joueurs qui ont accompli cette sale besogne. Ils suivaient les ordres de quelqu'un1». Lemaire, lui, croit plutôt que ce sont les Nordiques qui cherchaient à sortir ses défenseurs! Encore aujourd'hui, à la télévision, on remontre toujours la même séquence, le coup de poing de Sleigher à Hamel… Ce soir-là, au Forum, la rivalité a dépassé les bornes.

Notes de référence
1. Mathias Brunet, Mario Tremblay, le bagarreur, Montréal, Québec Amérique, 1997, p. 142.

Voir aussi
Sommaire: La bagarre du Vendredi saint


Page précédente: La guerre des ondes
Page suivante: Les équipes d'étoiles