La vente des Nordiques (1988)
Épisode mouvementé de l'histoire des Nordiques, la vente du club en 1988 à des investisseurs québécois est le chef-d'œuvre de Marcel Aubut.

La survie des Nordiques n'a jamais été assurée pour bien longtemps. En 1972, le «groupe des six» se fend en quatre pour trouver des investisseurs disposés à financer leur projet et leurs détracteurs prédisent le transfert de l'équipe à Montréal. À l'été de 1976, aux prises avec la ville de Québec qui exige un loyer exorbitant pour son Colisée, la direction menace de déménager le club aux États-Unis. Même après l'achat des Nordiques par la brasserie O'Keefe, les rumeurs de vente courent encore. L'entrée de Québec dans la LNH met fin temporairement à ces rumeurs: les Nordiques n'y font toujours pas de profits, mais quel véhicule publicitaire pour O'Keefe dans sa lutte contre Molson!

Au milieu des années 1980, l'industrie de la bière connaît des jours sombres au Québec. En 1986, O'Keefe cesse de commanditer les Expos et les Concordes de Montréal, et on chuchote que la brasserie pourrait vendre les Nordiques tout en demeurant leur commanditaire principal. En juillet 1987, les rumeurs se précisent quand le consortium australien Elders IXL acquiert la brasserie Carling-O'Keefe, de propriété sud-africaine. Durant la saison 1987-1988, les journaux évoquent à quelques reprises la possibilité d'un déménagement des Nordiques à Hamilton, qui offre un bel aréna tout neuf (le Copps Coliseum) à remplir. Évidemment, O'Keefe nie la nouvelle.

Le 28 octobre 1988, Le Soleil annonce en première page que les Nordiques seraient vendus à des intérêts américains. Trois jours plus tard, c'est officiel: O'Keefe vend le club pour 18 millions de dollars à des intérêts canadiens-anglais anonymes. Comme Réjean Tremblay l'avait imaginé dans le scénario de la populaire télésérie Lance et compte! À Québec, c'est la stupéfaction, on ne peut pas y croire. Mais, contrairement à ce qui se produira en 1995, personne ne baisse les bras. D'abord, le président des Nordiques, Marcel Aubut, dispose d'un droit de préemption lui permettant d'égaler toute offre dans les 30 jours. Pour sa part, la LNH menace d'annuler le déménagement de l'équipe. Quant à la brasserie O'Keefe, elle risque gros avec cette vente impopulaire et elle se demande aussitôt si elle n'a pas commis une bévue.

Le retrait, deux jours plus tard, de l'offre du «mystérieux» acheteur (dès le départ, on s’est bien douté qu'il s'agit de Harry Ornest, qui a fait la «passe» avec les Blues de Saint-Louis quelques années plus tôt) laisse la voie libre à Marcel Aubut pour rechercher de nouveaux investisseurs prêts à garder les Nordiques à Québec. Écartant d'autres acheteurs potentiels dont Pierre Péladeau, il réussit à convaincre le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ), les épiceries Métro-Richelieu, la compagnie d'assurances générales La Capitale (membre du groupe Mutuelle des fonctionnaires), Daishowa (entreprise japonaise qui vient d'acquérir la Papeterie Reed de Québec) et la société de placement Autil inc. (dont fait partie Aubut lui-même) à investir dans la survie des Nordiques à Québec.

La grande nouvelle est annoncée en conférence de presse le 29 novembre 1988, dans l'allégresse générale: les Nordiques, propriété de Québécois, sont à Québec pour y rester. Aubut déclare alors: «Mission accomplie! Les Nordiques sont à Québec pour toujours1!» Bien entendu, le président du club ne pouvait encore imaginer l'ampleur des bouleversements qui allaient changer le visage du hockey à tout jamais. Quant à la brasserie O'Keefe, elle continuera à commanditer les Nordiques jusqu'en 1995, mais elle devra vendre les actions qu'elle a gardées, après sa fusion avec Molson en janvier 1989.

Notes de référence
1. Louis-Ange Santerre, Les Nordiques... Plus!, Gallix, Éditions Nord-Côtières, 1989, p. 24.


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