Saison 1975-1976
Après s'être fait manger la laine sur le dos durant trois saisons, les Nordiques se décident enfin à protéger leurs meilleurs joueurs, mais ils en paient le prix.

Les relations sont de plus en plus tendues entre les Nordiques et la ville de Québec, propriétaire du Colisée. Obligé de verser 20 000 $ à la ville à chaque match éliminatoire en 1974-1975, le club québécois se retrouve avec un déficit accumulé dépassant le million de dollars et menace de déménager la concession aux États-Unis si rien n'est fait pour corriger la situation. Le maire de Québec, Gilles Lamontagne, répond en promettant un agrandissement du Colisée à condition que les Nordiques attirent 12 000 spectateurs par match durant les deux prochaines saisons. Toute une commande quand on sait que le Colisée ne contient que 10 000 places assises!

Sentant le besoin de rajouter du muscle à leur formation, les Nordiques obtiennent le rude Gordie Gallant des Fighting Saints qui vient de donner un coup de poing au visage de son entraîneur, Harry Neale. Avec Gallant (joueur le plus puni dans l’AMH en 1974-1975 avec 203 minutes), Steve Sutherland et Pierre Roy, les Nordiques pourront défendre chèrement leur peau sur les patinoires ennemies. La foire éclate dès le premier match hors-concours, alors que les Stingers de Cincinnati rendent visite aux Nordiques: une bagarre générale implique des spectateurs et l'ancien gardien des Nordiques, Serge Aubry, passé aux Stingers durant la saison morte.

Bien protégées par leurs nouveaux gardes du corps, les vedettes des Nordiques connaissent un début de saison du tonnerre et l'équipe occupe le premier rang de sa division devant les Jets de Winnipeg. La défensive des Fleurdelisés laisse toutefois à désirer, allouant six ou sept buts dans plusieurs matches. Le club connaît un voyage difficile dans l'Ouest au début de décembre. Trop paisible pour un métier aussi ingrat, l'entraîneur Jean-Guy Gendron semble éprouver des difficultés à obtenir le respect de ses joueurs. Le 10 décembre, à Edmonton, il ordonne à Serge Bernier de s'asseoir sur le banc, mais ce dernier lui réplique sèchement: «Viens m'asseoir si t'es capable1». Les deux hommes font la paix quelques jours plus tard, mais Gendron passe bien près de tout abandonner.

Gendron subit un autre coup dur en janvier lorsque Renald Leclerc, cédé aux Racers d'Indianapolis, blâme l'entraîneur des Nordiques pour son manque de discipline. Le 21 janvier, Gendron répond à Leclerc en lui assénant un coup de poing lors d'une bagarre générale au Colisée. La saison 1975-1976 est sans aucun doute la plus violente de l'histoire du hockey, avec des mêlées générales à chaque jour ou presque dans les rangs professionnels et amateurs. Mais cette violence, aussi répugnante soit-elle, attire de nombreux spectateurs; à Québec, une foule record de 13 815 amateurs se masse au Colisée le 27 janvier pour un match à haut risque contre Cincinnati.

Le 1er mars, les Nordiques sont distancés par les Jets, qui détiennent 10 points d'avance après avoir disputé six rencontres de plus. Pour ne pas être à court de «gros bras», les Fleurdelisés échangent leur capitaine Michel Parizeau à Indianapolis contre Bob Fitchner et Michel «Plywood» Dubois, puis ils font l'acquisition de Curt Brackenbury lors de la faillite des Fighting Saints. Ils ratent toutefois Dave Hanson, l'un des trois frères Hansen du célèbre film Slap Shot. Le 10 mars 1976, à Winnipeg, les Nordiques sont impliqués dans une violente mêlée générale qui suscite tout un tollé dans la capitale du Manitoba. Dégoûtée, la vedette des Jets Anders Hedberg déclare: «Je ne reconnais plus les Nordiques2». Les journalistes de Winnipeg sont du même avis et comparent le club québécois aux terrifiants Flyers de Philadelphie.

Bizarre! Personne dans l'AMH ne levait le petit doigt quand les Nordiques se faisaient massacrer par leurs adversaires et maintenant on joue aux vierges offensées devant les frasques de Gallant et Brackenbury. Les Fleurdelisés mènent le circuit au chapitre des minutes de punition, mais ils comptent aussi cinq joueurs avec plus de 100 points: Tardif, Cloutier, Bordeleau, Bernier et Houle. Rien à voir avec les Flyers et, surtout, la bête noire des Nordiques, les Cowboys de Calgary! Comme la saison précédente, alors qu’elle jouait à Vancouver, la troupe de Joe Crozier continue d'intimider les vedettes des Nordiques, particulièrement Marc Tardif. À chaque visite à Calgary, le brillant numéro 8 est accroché et frappé sournoisement par Rick Jodzio, le pire «goon» des Cowboys.

Ironie du sort, ce sont les Cowboys qui s'amènent à Québec pour la série quart de finale de la coupe Avco. Dans le premier match, Jodzio et les Cowboys ne lâchent pas Tardif d'un pouce et les Nordiques s'inclinent par 3 à 1. Le 11 avril, les deux clubs s'affrontent à nouveau et Jean-Guy Gendron envoie Gordie Gallant régler le cas de Jodzio dès le début de la rencontre. Durant leur absence, Marc Tardif donne une avance de 1 à 0 aux Fleurdelisés. Jodzio a à peine regagné le banc de son équipe qu’il se précipite sur la glace et fonce à toute allure sur Tardif qui n'a jamais le temps de le voir venir. Il assomme le numéro 8 d'une violente charge et se jette sur son corps inanimé, qu'il martèle de plusieurs coups de poing.

Les joueurs des deux équipes se ruent sur la patinoire et en viennent aux coups; cette bagarre générale nécessite l'intervention d'une vingtaine de policiers. Frappés de 90 minutes de punition contre seulement 74 pour Calgary, les Nordiques s'inclinent par 8 à 4. Victime d'un grave traumatisme crânien, Tardif est fini pour le reste des séries éliminatoires. Le président John Dacres est révolté par les décisions des officiels et il menace de ne pas envoyer son club à Calgary; il exige la démission du vice-président de la ligue (Bud Poile), une suspension à vie pour Rick Jodzio et la suspension de son entraîneur Joe Crozier pour le reste des éliminatoires. Il obtient la tête de Poile, mais Jodzio ne reçoit qu'une suspension ridicule «pour l'été» et Crozier est blanchi par la ligue.

À Calgary, les Nordiques sont hués et traités de «frogs» par les amateurs qui, à l’évidence, ignorent la gravité du geste de Jodzio à l'endroit de Tardif. Les Cowboys remportent le troisième match par 3 à 2, malgré Serge Bernier qui jure d'avoir égalisé en fin de rencontre. Les Fleurdelisés résistent à l'élimination deux jours plus tard, mais ils s’inclinent finalement en cinq rencontres. C’est un sort injuste pour les Nordiques, qui affichaient une supériorité évidente sur papier. Poursuivi en justice, Rick Jodzio s'en tire avec une amende de 3000 $, sanction bien mince pour une agression sauvage et sournoise qui a bien failli briser la carrière d'un grand joueur. Au moins, cet acte barbare incite l'AMH à édicter de nouveaux règlements pour réduire la violence dans le circuit.

Notes de référence
1. Claude Larochelle, Les Nordiques: 10 ans de suspense, Sillery, Lotographie, 1982, p. 259.
2. Le Soleil, 11 mars 1976, p. B1.

Voir aussi
Profil: Maurice Filion
Souvenir: Les uniformes
Statistiques, saison 1975-1976
Cartes O-Pee-Chee, saison 1975-1976
Magazines, saison 1975-1976
Photo d'équipe, saison 1975-1976


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