Saison 1980-1981
C'est le début d'un temps nouveau avec l'arrivée des frères Stastny, de Dale Hunter, de Michel Bergeron et de Daniel Bouchard.

Le moral est à zéro chez les Nordiques à l'été de 1980. L'entraîneur Jacques Demers s’est vu obligé de démissionner, des joueurs tels Dave Farrish et Reggie Thomas se plaignent du sort réservé aux anglophones au sein de l'équipe et le vétéran Gerry Hart se permet même de dicter la conduite à suivre au club québécois. Puisqu'un malheur ne vient jamais seul, le meilleur compteur de l’équipe en 1979-1980, Réal Cloutier, se blesse gravement à la cheville gauche le 9 août 1980 lors d'un match de fastball. Quand ça va mal, ça va mal!

Pourtant, les Nordiques accomplissent un exploit remarquable quelques jours plus tard: Marcel Aubut, président de l’équipe, et Gilles Léger, responsable de la «filière» tchécoslovaque, ramènent d'Autriche deux grands espoirs du hockey européen, les frères Peter et Anton Stastny. Avec ces deux Tchécoslovaques dans la jeune vingtaine, les Fleurdelisés montrent à leurs rivaux qu'ils sont prêts à emprunter tous les raccourcis pour parvenir plus rapidement à la réussite. Cette pêche miraculeuse n’impressionne pas tous les observateurs. Certains prédisent plutôt le vingt et unième rang du classement au club québécois, derrière les misérables Red Wings de Détroit. Le magazine Sports Illustrated va plus loin en comparant l'organisation des Nordiques au spectacle des «Ice Follies».

Au moins, le grand ménage annoncé a lieu. Les Nordiques se départent du «bois mort» acquis lors du repêchage de l'expansion. En lieu et place, ils font appel à Kim Clackson, John Paddock, André «Moose» Dupont, John Wensink et Michel Plasse. Ce n'est quand même pas le Pérou! Un autre point d'interrogation réside derrière le banc, où le directeur-gérant Maurice Filion a remplacé Jacques Demers à pied levé. Heureusement, la relève s'annonce fort prometteuse avec Dale Hunter, Normand Rochefort et Dave Pichette. Le début du calendrier régulier joue toutefois contre les Nordiques, qui doivent disputer une série de neuf rencontres à l’étranger à cause des travaux d'agrandissement du Colisée.

Après seulement six rencontres, Filion en vient à la conclusion que le métier d'entraîneur n'est plus pour lui. Il confie les rênes de l'équipe au jeune Michel Bergeron, qui vient tout juste de joindre l'organisation. Encore une fois, le club québécois est la risée de toute la ligue. Le «tigre» ne tarde pas à imposer son autorité derrière le banc de l'équipe, mais la disette des Nordiques se poursuit avec seulement un gain à leurs 15 premiers matches. La morosité s'installe chez les partisans, complètement découragés devant un si mauvais spectacle. Et on est à quelques semaines de l'ouverture du nouveau balcon, il y aura des milliers de nouveaux sièges à remplir…

Le 10 décembre, dans un match au Colisée contre Boston, le gardien Michel Dion décide qu'il en a assez. À la vingt-huitième minute de jeu et après un autre but des Bruins, il quitte la patinoire sous les yeux ébahis du public. Après le match, Bergeron est catégorique: «Après ce qu'il vient de faire, je ne veux plus le revoir avec mon club1». En fait, Dion gardera le filet des Nordiques une autre fois avant d'être cédé aux Jets. En désespoir de cause, les Nordiques mettent la main sur le gardien Ron Grahame, qui, le 24 janvier 1981, accorde à Mike Bossy son cinquantième but en 50 matches. Et comme si ce n'était pas suffisant, le torchon brûle encore une fois entre l'organisation et Marc Tardif, qui se retire du jeu momentanément.

Le club est au vingtième rang lorsqu'il fait l'acquisition du gardien Daniel Bouchard, qui n'avait plus d'avenir à Calgary. C'est l’élément-clé d’un regain des Fleurdelisés qui ne perdent que six de leurs 30 derniers matches après avoir compilé un dossier désastreux de 11-26-13 à leurs 50 premières rencontres. Les Nordiques profitent aussi du retour au jeu de Réal Cloutier et du réveil de Marc Tardif pour remonter au classement. Les frères Stastny ont mis du temps à s’adapter au long calendrier de la LNH, mais les voici qui émergent enfin: le 22 février à Washington, Peter récolte quatre buts et quatre passes, Anton inscrit trois buts et cinq passes, et les Nordiques triomphent par 11 à 7. Huit points dans un match pour des recrues, on n'avait jamais vu ça dans la LNH.

Le nouveau balcon du Colisée est vite rempli à craquer de supporters ravis de voir les Nordiques en pleine ascension. Maurice Filion réalise une autre excellente transaction en expédiant Garry Larivière à Vancouver en retour de Mario Marois, le futur capitaine des Nordiques. Le 29 mars, c'est l’apothéose lorsque les Fleurdelisés blanchissent les Canadiens par 4 à 0 au Colisée. Jacques Richard marque son cinquantième but et renoue enfin avec la gloire qu'il avait connue dix ans plus tôt dans l'uniforme des Remparts. Il inscrit également son centième point, tandis que Peter Stastny, de plus en plus brillant, s’annonce comme la recrue de l'année dans la ligue. Seule ombre au tableau en cette fin de saison de rêve, la fin de carrière en queue de poisson de Serge Bernier, laissé sur le bout du banc après huit ans de loyaux services.

Le onzième rang des Nordiques au classement final est cependant un cadeau empoisonné puisqu'ils doivent affronter au premier tour les redoutables Flyers de Philadelphie. Les Flyers remportent les deux premiers matches au Spectrum, offrant un spectacle digne de leur tradition de «Broad Street Bullies» où tous les coups sont permis. Dans une mêlée à la fin du premier match, Ken Linseman mord la main de Daniel Bouchard, qui confie aux journalistes: «Maintenant je sais pourquoi ils l'appellent le rat2!» L'entraîneur des Flyers, Pat Quinn, déclare quelques jours plus tard que les partisans au Colisée sont dangereux. A-t-il mal digéré les deux victoires des Nordiques à Québec, en particulier le quatrième match remporté en prolongation sur un but de Dale Hunter?

Battus par 5 à 2 lors du dernier match de la série à Philadelphie, les Nordiques peuvent sortir la tête haute. Les «Ice Follies» du début de la saison sont désormais l'exemple à suivre dans la LNH: les observateurs ont bien noté le caractère avant-gardiste du jeu axé sur l'attaque que privilégient les Nordiques. On rend hommage aux Aubut, Léger, Filion, Bergeron et Thiffault qui ont compris à quel point les frères Stastny avaient le potentiel pour transformer l’équipe. Bien entendu, on s'attend à de grandes choses pour 1981-1982, d'autant plus qu'avec le réaménagement des divisions, les Nordiques auront dorénavant l'occasion d'affronter les Canadiens de Montréal à huit reprises durant la saison régulière.

Notes de référence
1. Claude Larochelle, Les Nordiques: 10 ans de suspense, Sillery, Lotographie, 1982, p. 334.
2. Brian McFarlane, One Hundred Years of Hockey, Toronto, Deneau Publishers, 1989, p. 210.

Voir aussi
Profil: Daniel Bouchard
Souvenir: L'évasion des frères Stastny
Statistiques, saison 1980-1981
Sommaire: Peter et Anton Stastny récoltent 16 points
Cartes postales des Nordiques, saison 1980-1981
Cartes O-Pee-Chee/Topps, saison 1980-1981
Cartes O-Pee-Chee Super, saison 1980-1981
Magazines, saison 1980-1981
Photo d'équipe, saison 1980-1981


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