L'évasion des frères Stastny
Digne des meilleurs romans policiers, l'évasion des frères Stastny du bloc communiste a donné de la crédibilité et un trio fort talentueux aux Nordiques.

À l'été de 1980, le dossier des frères Stastny est au point mort. Depuis quelques années déjà, les Nordiques s'intéressent au talentueux trio tchécoslovaque composé de Marian (l'aîné), Peter et Anton. Le club est toujours en contact avec leur agent Ludovic Katona, mais rien ne se concrétise. En février, aux Jeux olympiques de Lake Placid, Marcel Aubut et Gilles Léger (responsable de la «filière» tchécoslovaque) ont bien préparé l'évasion des trois hockeyeurs, mais le projet est tombé à l'eau à la dernière minute.

C'est Peter qui donne la chance à Québec de réussir ce coup fumant. Déçu des tactiques de l'entraîneur de son club de Bratislava, il considère que le temps est venu de quitter la Tchécoslovaquie et de joindre les rangs de la LNH. Au mois d'août 1980, les frères Stastny doivent se rendre à Innsbruck, en Autriche, pour un tournoi de hockey. C'est l'occasion rêvée. Peter planifie son évasion. Sa femme Darina l’accompagne bien qu'elle soit enceinte de huit mois. Le jeudi 21 août, à Innsbruck, Peter passe un coup de fil à la direction des Nordiques: «Avez-vous toujours de l’intérêt pour nous? Nous sommes prêts1». Inespéré! Aubut et Léger prennent le premier avion pour l'Autriche et débarquent à Innsbruck le vendredi en fin de journée. Un premier rendez-vous avec les Stastny a lieu le soir même.

Deux problèmes importants surgissent. D'abord, Marian ne peut suivre ses deux frères au Canada puisque sa famille est toujours à Bratislava. En fait, Marian n'était même pas au courant du plan élaboré par son frère Peter; il ne lui a jamais entièrement pardonné cette «trahison». Autre pépin pour Aubut et Léger: même s’ils ont signé leurs contrats avec les Nordiques, Peter et Anton refusent de partir avant de jouer le dernier match du tournoi, le dimanche soir. Après deux longues journées d'attente, l'opération peut enfin se matérialiser. Les Stastny font faux bond à l'équipe tchécoslovaque, se glissent dans une voiture et se rendent à l'hôtel Intercontinental de Vienne où les attendent impatiemment Aubut et Léger.

En tentant de ressortir de l'hôtel le lundi matin, coup de théâtre! La voiture est surveillée par des agents tchécoslovaques. Heureusement, on avait prévu le coup et deux autres voitures sont disponibles à proximité. Le petit groupe se réfugie à l'ambassade canadienne, qui prend le contrôle des opérations. Sous escorte policière, les quatre hommes et la femme sont conduits à l'aéroport de Vienne; le même jour, en soirée, ils atterrissent à Mirabel. Le lendemain, à la salle de réception de la brasserie O'Keefe à Montréal, Marcel «James Bond» Aubut et Gilles «Columbo» Léger racontent leurs aventures aux nombreux journalistes présents. Aubut en rajoute pour la galerie: «J’ai manqué de me faire tirer cinq fois2!» En revanche, Peter, Anton et Darina sont d'un calme désarmant. C'est qu'il en fallait du courage pour réussir une telle évasion.

Du courage, il en faut aussi à Marian, rentré auprès de sa famille à Bratislava. En raison de l’escapade de ses deux frères, l'équipe nationale le suspend et des agents surveillent sa maison en permanence. Il entreprend alors des travaux importants à sa maison pour donner l'impression à la police qu'il tient à demeurer au bercail. Les agents relâchent leur surveillance et, au début de juin 1981, Marian part en voiture avec sa femme et ses trois enfants en direction de la Hongrie, qu'il traverse d'un seul trait pour rejoindre la Yougoslavie et finalement l'Autriche. De là, il contacte les Nordiques et rejoint ses deux frères au Canada, le 6 juin 1981. Le trio des frères Stastny est enfin réuni.

Notes de référence
1. Claude Larochelle, Les Nordiques: 10 ans de suspense, Sillery, Lotographie, 1982, p. 325.
2. Op. cit. p. 329.


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